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La mobilité étudiante internationale en 2020 (à l'heure de la pandémie du coronavirus)

Dernière mise à jour : 1 déc. 2023


Les grands pays d'accueil et la domination des 3 cousins anglo-saxons : États-Unis, Royaume-Uni, Australie

À l'échelle mondiale, les premières destinations des étudiants étrangers demeurent les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, 3 pays où les études supérieures sont les plus coûteuses au monde (nous analyserons ce paradoxe prochainement). Toujours au sein du monde anglophone, le Canada se montre de plus en plus ouvert aux étudiants étrangers; en témoignent les derniers chiffres de la mobilité étudiante dans le monde et la fructueuse politique de charme menée par ses etablissements. L'Europe demeure le premier continent d'accueil des étudiants internationaux dont la moitié viennent d'Asie (notamment de Chine et d'Inde). Ainsi, les 7 premiers pays d'accueil de la mobilité étudiante internationale sont  :


  • Les États-Unis : 984 898 étudiants internationaux

  • Le Royaume-Uni : 435 734

  • L'Australie : 381 202

  • L'Allemagne : 258 873

  • La France : 258 380

  • La Russie : 250 658

  • Le Canada : 209 979


Les États-Unis conservent leur position de leader mondial dans l'accueil des étudiants internationaux. Mais pour encore combien de temps ? Signalons que de récentes mesures de restriction migratoire prises par l'Administration Trump risquent de provoquer une baisse historique du flux d'étudiants internationaux vers le sol américain; ce qui profiterait au voisin canadien, 7ème pays d'accueil de la mobilité internationale, et fort de la haute qualité de ses établissements.

L'Oncle Sam garde d'excellents atouts : ses universités sont parmi les mieux cotées et possèdent le plus grand nombre de campus délocalisés dans le monde.  La première économie mondiale met l'attractivité de ses universités au service de sa politique étrangère et de sa "soft power" ("puissance douce", "capacité d'influence").


Suite au BREXIT (sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne), la patrie de David Beckham, 2ème pays d'accueil des étudiants étrangers à l'échelle mondiale, a entrepris de renforcer sa coopération universitaire à l'international, notamment avec la Chine. Comme pour son cousin américain, l’attractivité universitaire du pays de Boris Johnson repose en grande partie sur la géopolitique mondiale aménagée en partie autour de suprématie de la langue anglaise qui avait déjà commençé sa conquête planétaire à travers l'empire britannique. Nous devons toutefois signaler qu’avec sa sortie de l’Union Européenne (BREXIT) et sa politique de visas défavorables aux étudiants ressortissants de certaines régions du monde, le Royaume-Uni risque de se voir dépasser en nombres d'étudiants étrangers accueillis par un autre membre de la famille dans le trio de tête, l’Australie.


21% de la population étudiante en Australie est étrangère. Certaines universités ont jusqu’à 45% d’étudiants étrangers. Le plus grand pays d’Océanie sait comment gâter ces derniers : visa de travail de 2 à 4 ans aux diplômés, qui pourront obtenir un titre de séjour permanent. Plus de 35% des étudiants étrangers en Australie sont chinois.L'État Australien a fait de l'enseignement supérieur un instrument de rentabilité économique. Les établissements d’enseignement supérieur australiens sont détenus par de grands groupes d’entreprises qui allient la recherche de profit cohabitent à l’offre de services éducatifs de qualité. Cette intime connexion avec les entreprises facilitent largement l’insertion professionnelle des diplômés étrangers choisissant de rester au pays des kangourous après leurs études.


La mobilité étudiante internationale : un marché et des profits pour les pays d'accueil

L'acceuil des étudiants étrangers est également [et surtout] une affaire de gros sous. Ça rapporte gros aux pays d'acceuil. Loin de nous cette idée encore répandue chez les jeunes voulant faire croire que les "pays riches" distribuent des "bourses d'études" illimitées à la jeunesse des pays sous-développés. Si on regarde le nombre de bourses accordées par chaque État aux étudiants autres que les leurs, les "boursiers gouvernementaux" représentent moins de 2% de la population étudiante mondiale en mobilité (5,3 millions d'étudiants).


Donc, la mobilité internationale étudiante est essentiellement auto-financée !


Retour sur quelques chiffres :


En 2017, l'Australie a collecté plus de 18 milliards d'euros à partir des frais de scolarité versés par les étudiants venus de l'étrangers poursuivre leurs cursus sur son sol.


Selon un rapport diligenté par le Quai d'Orsay, l'apport des étudiants étrangers à l'économie française s'élève à 4,65 milliars d'euros à travers la consommation quotidienne de biens et services, les frais d’inscription et de scolarité aux établissements d'enseignement supérieur et les dépenses de transport aérien auprès d’opérateurs français, entre autres.


En Allemagne où la quasi-totalité des études supérieures sont gratuites (à l'exception du länder Bade-Wurtemberg), les besoins en main-d'œuvre de l'industrie on stimulé l'amélioration des politique d'acceuil d'étudiants étrangers.


Le Canada, de plus en plus ouverte et attractive, développe des campagnes de promotions ciblant prioritairement les grands pays émergeant, notamment la Chine, l'Inde, et le Mexique, entre autres, ce, afin de faire face à certains défis en matière de main-d'œuvre qualifiée; la mobilité étudiante internationale sert le plus souvent de véhicule à la fuite des cerveaux...

Rien que pour la période 2015 - 2016, les étudiants internationaux au Canada ont dépensé environ 12,8 milliards de dollars et 15,5 milliards de dollars en frais de scolarité, en frais de logement et en achats discrétionnaires. Selon le gouvernement fédéral canadien, nous citons : "les dépenses annuelles globales des étudiants internationaux ont soutenu 140 010 emplois (118 640 emplois à temps plein) dans l'économie canadienne en 2015".


Selon un rapport de l’Observatoire binational sur la migration, l’éducation, l’environnement et le commerce (OBMEC), les étudiants haïtiens en République Dominicaine contribuent chaque année à hauteur de 220 millions de dollars américains à l'économie de leur pays d'accueil.


Aux États-Unis, le Département du Commerce a rapporté que les étudiants internationaux ont contribué à hauteur de 45 milliards de dollars à l'économie américaine, seulement pour l'année 2018. Le Canada espère attirer une partie de cette manne en tirant partie des restrictions migratoires appliquées par l’Administration Trump concernant les ressortissants de pays d’où partent traditionnellement beaucoup d’étudiants vers l’étranger, dont le Nigéria, 1ère économie d’Afrique.


La politique des bourses d'études

Utilisés comme outils d'influence, les programmes de bourses d'études − bien que ne soutenant que 2% de la mobilité étudiante internationale − contribuent à la promotion de la politique étrangère des États.


À part celles émanant d'organisations non-gouvernementales, d'associations, de fondations ou d'entreprises privées, les bourses octroyées par les acteurs étatiques/gouvermentaux visent à soutenir les actions à l'étranger du pays financeur et permettre à ce dernier de gagner en influence auprès des élites dirigeantes du pays bénéficiaire.


Les quelques programmes gouvernementaux ci-dessous sont là pour en témoigner :


  1. Le programme Fulbright : États-Unis (environ 8000 bourses/an). | N.B : En 2017, l'Administration Trump avait proposé un budget réduisant de 47% les fonds alloués au programme Fulbright ...

  2. La bourse Chevening : Royaume-Uni (environ 2000 bourses par an)

  3. Le programme Australia Awards Scholarships : Australie (environ 2000 bourses/an)

  4. Les bourses de la DAAD : Allemagne (plus de 60 000 bourses chaque année)

  5. Le programme des bourses Eiffel / Bourses du Gouvernement Français (BGF) : France (environ 7000 bourses/an)


Parmi les 7 premières destinations des étudiants internationaux, l'un des pays ayant recours le plus massivement à la "politique des bourses d'études" est l'Allemagne. La DAAD, l'Office allemand d'échanges universitaires, est l'un des organismes ctroyant le plus de bourses d’études au monde. Pour la seule année 2018, le pays d'Angela Merkel a octroyé 64000 bourses d’études à des étudiants internationaux (contre 7000 pour la France pour la même année, à titre d'exemple).



À part les grands pourvoyeurs traditionnels, de nouveaux États passent par l'attribution de bourses à grande échelle pour "faire briller son image" et attirer chez soi la meilleure portion de l'élite mondiale en mobilité. Dans cette course, nous retrouvons la Chine et la Turquie qui se sont investis à développer dans leurs établissements des programmes d’études en anglais (langue internationale par excellence). L'Empire du Milieu, notamment dans le cadre du volet universitaire de son programme d'expansion planétaire "One Belt, One Road (OBOR)" communément appelé " Les nouvelles routes de la soie", investit chaque année des millions de dollars dans l'accueil des étudiants et chercheurs étrangers et la mise en place de partenariats inter-universitaires. L'ouverture de nouveaux "Centres Confucius" à l'étranger participe à cette "offensive" éducative et culturelle à l'échelle planétaire.


La Turquie mêne une "politique d'expansion universitaire et culturelle" semblable à celle de la Chine. D'ici 2023, le pays de Recep Tayyip Erdoğan projette d'implanter 100 bureaux de l'"Instituts Yunus Emre" dans le monde. Ces opérateurs culturels gouvernementaux sont parmi les principaux gestionnaires publics des bourses d’études et d’échanges octroyées par leurs pays d’appartenance aux étudiants étrangers. À l'international, les "Centres Confucius" et les "Instituts Yunus Emre" représentent respectivement pour la Chine et la Turquie ce que les "Instituts Français" représentent pour la France ou le "British Council" pour le Royaume-Uni.


Focus Francophonie : la mobilité étudiante dans l'espace francophone

En juillet 2017, s'est tenue au Luxembourg la réunion de la Commission de l’éducation, de la communication et des affaires culturelles de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) au cours de laquelle la section canadienne a été chargée de "se pencher sur la question de la mobilité étudiante au sein de la Francophonie". Ainsi, en avril 2018, à Abidjan (Côte-D’Ivoire) ladite section a présenté un rapport, et une première ébauche du projet a été présentée en juillet 2018 à Québec (Canada).

Dans l'espace francophone, la France est le pays ayant la plus grande cohorte d'étudiants à partir poursuivre leurs cursus à l'étranger (près de 91 000) et paradoxalement celui qui reçois le plus d’étudiants de l'étranger (actuellement 258 380). Selon l'agence gouvernementale française Campus France, les étudiants français se rendent majoritairement au Canada où ils sont officiellement 15 912, en Belgique, 10 621 (une baisse de 37% par rapport à l'année précédente), et en Suisse, 10 162 (hausse de 5%).


Le Canada, la Belgique et la Suisse talonnent la France en nombre d'étudiants étrangers accueillis. Au Québec (Canada francophone), le nombre d’étudiants internationaux a augmenté de près de 40% depuis 2013. Ils y sont près de 50 000 actuellement. 21% de la population étudiante en Wallonie (Belgique francophone) sont des ressortissants étrangers. Selon le journal Les Observateurs, 30% des étudiants dans les universités suisses sont étrangers.


Mais c'est en Afrique que se joue l'avenir de la mobilité étudiante francophone. D'ailleurs, la majorité des étudiants en mobilité originaires de pays comme le Burundi, les Comores, l’Égypte, la Guinée-Bissau, le Niger, la République démocratique du Congo et le Tchad ont pour principale destination un autre pays d’Afrique. À l’horizon 2050, "85%des francophones de la planète pourraient se trouver en Afrique" lit-on dans un document de l'Assemblée Parlementaire Francophone (AMF). Dans cette même optique, l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) a avancé que «l’avenir démographique de la francophonie reposera de plus en plus sur l’Afrique ».


Pour la diaspora africaine francophone, signalons la situation d'Haïti dont les étudiants partent en majorité en République Dominicaine où ils sont 40 000 selon l’Observatoire binational sur la migration, l’éducation, l’environnement et le commerce (OBMEC) et 5918 selon l'UNESCO. Toujours d'après l'Institut de Statistique de l'UNESCO, la 2ème plus importante cohorte d'étudiants haïtiens à l'étranger se trouve en France où ils sont 1124 (données confirmées par l'Agence gouvernementale française Campus France).


Parmi les exemples de financement de la mobilité étudiante à l'intérieur de l'espace francophone, notons le Programme Canadien de Bourses de la Francophonie (PCBF) qui soutient des études aux 2ème et 3ème cycles d'études supérieures (master & doctorat) dans des universités canadiennes. Le PCBF s’adresse aux étudiants des pays francophones bénéficiaires de l’aide publique au développement du Canada.



Coronavirus : quel impact sur la mobilité étudiante internationale ?

Selon une enquête menée par la firme QS (Quacquarelli Symonds) basée au Royaume-Uni, l'un des premiers fournisseurs mondiaux de services, d'analyses et d'informations sur l'enseignement supérieur (auteur du célèbre classement QS World University Rankings), plus de 35% des étudiants candidats à un établissement d'enseignement supérieur hors de leur pays d'origine ont décidé de "rester chez eux", de différer leur projet d'études à l'année prochaine, le temps que la pandémie du COVID19 soit "sous contrôle".


De son côté, le Times Higher Education (THE), autre grand opérateur mondial de données sur l'enseignement supérieur (auteur du classement World University Ranking), affirme que "les flux d'étudiants dans le monde vont subir un «coup dur» pendant des années". Et selon un éminent chercheur en internationalisation, "les universités occidentales devront «chasser» les rares étudiants étrangers".


Simon Marginson, directeur du Center for Global Higher Education de l'Université d'Oxford, a déclaré très récemment que les pays en développement [...] subiront le poids d'une récession induite par le Coronavirus et qu'«un rétrécissement des classes moyennes au niveau mondial » aura un effet significatif sur les flux d'étudiants internationaux vers les universités occidentales.


En attendant, le moment est à l'adaptation, aux reports, mais surtout à la "re-stratégisation". Plus rien ne sera entièrement comme avant.

josemar.st-victor@edu.univ-fcomte.fr
josemar.st-victor@edu.univ-fcomte.fr


En attendant, le moment est à l'adaptation, aux reports, mais surtout à la "re-stratégisation". Plus rien ne sera entièrement comme avant.





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