En vue de promouvoir leurs valeurs et défendre leurs intérêts à l’échelle régionale ou globale, de plus en plus d’États font de l’internationalisation de l’enseignement supérieur – à travers la mobilité étudiante – un levier de politique étrangère, un outil d'attractivité économique et de soft power.
Quid de l'expression "mobilité étudiante internationale" ?
Dans « mobilité étudiante internationale », il y d’abord la notion de « mobilité », puis les qualificatifs « étudiante » et « internationale ».
Dérivé du latin « mobilitas », le terme « mobilité » désigne, dans son acceptation contemporaine, la « facilité à se mouvoir d’un point à un autre » ou le « fait de passer d’un état ou d’une situation à l’autre ». Si, à ces débuts, le concept de « mobilité » avait une connotation négative servant à qualifier d’inconstant ou d’instable, (antonyme de « stabilité »), il a acquis et consolidé aux XXème et XXIème siècles, dans le cadre épistémologique des sciences humaines et sociales, une perception positive connotant, entre autres, le progrès (mobilité sociale) ou la circulation des individus d’un territoire à un autre à des fins académiques (mobilité étudiante). Cet article tiendra compte de cette dernière connotation.
Et quand la mobilité devient étudiante et internationale ?
Par rapport à l’acceptation contemporaine du concept de mobilité, et au regard de l’objectif pédagogico-analytique de ce texte, nous entendons par "mobilité étudiante internationale" le "déplacement d’une personne de son pays d’origine vers un pays étranger en vue d’y poursuivre des études post-secondaires ou supérieures sur une durée allant de trois mois à quelques années".
À en croire l‘Institut de Statistique de l'Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture (ISU/UNESCO), l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE) et Eurostat (Office de statistique de l’Union européenne), l'appellation "étudiant en mobilité internationale" ou "étudiant international" désigne "un individu qui a franchi les frontières de son pays d’origine et de citoyenneté, muni d’un visa avec une mention spécifique ou d’un titre de voyage quelconque octroyé par un État étranger l’habilitant à y poursuivre sa scolarité durant un cycle universitaire ou un programme scientifique".
Selon que le parcours d’études visé conduise ou pas à l’obtention d’un diplôme ou grade universitaire, on parle de « mobilité internationale diplômante » ou de « mobilité internationale non-diplômante ». On parle de mobilité internationale « non-diplômante » quand le séjour d’études ou de formation à l’étranger ne conduit pas forcément à l’obtention d’un diplôme mais s’inscrit plutôt dans la continuité ou la mixité d’un parcours qui va être finalisé et validé au retour au pays d’origine. Ce second cas de figure s’apparente à un séjour d’immersion académico-professionnelle ou culturelle, de stage, de perfectionnement linguistique ou d’échange interuniversitaire.
Situation actuelle
La mobilité étudiante internationale n’a jamais été aussi forte et diversifiée. Selon l‘Institut de Statistique de l'UNESCO (ISU), de l’OCDE et d’Eurostat, le nombre d’étudiants ayant laissé leur pays d’origine et de citoyenneté pour décrocher un diplôme d’études supérieures ou post-secondaires à l’étranger s’élève à plus de 6,4 millions en 2023 – soit une augmentation de 32% en cinq ans – et pourrait atteindre 9 millions en 2025 (Vincent-Lancrin, 2008). À l’échelle mondiale, les étudiants en mobilité académique hors de leur pays d’origine représentent 2,7 % du total d’étudiants dans l’enseignement supérieur.
Le nombre d'étudiants en mobilité internationale à travers le monde s'élève à 6,4 millions.
Concernant la mobilité entrante, les anglo-saxons continuent de dominer le classement des plus grands pays d’accueil à travers le trio de tête composé des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Australie. L’Allemagne, le Canada, la France la Chine, le Japon, les Émirats Arabes Unis et la Turquie occupent respectivement les rangs allant du 4ème au 10ème en termes d’effectifs accueillis. Notons qu’en raison de la Guerre en Ukraine, la Russie, pourtant 5ème pays d’accueil en 2021, est sortie du système de collecte de données internationales sur la mobilité étudiante. Cela a surclassé artificiellement la France qui est passée automatiquement de la 7ème à la 6ème place.
Quant aux pays d'origine, la domination est asiatique à travers un trio de choc constitué de la Chine, de l’Inde et du Vietnam. Forte d’1,1 million de ses ressortissants déployés sur les campus des quatre coins du monde et représentant 17 % des étudiants internationaux à travers la planète, la patrie de Mao s’affirme la chaque année comme le premier foyer d’origine des chasseurs de diplômes internationaux. À ses trousses, l’Inde, pays le plus peuplé au monde et d’où sont partis plus d’une demi-million d’étudiants internationaux, et le Vietnam, plus de 130 000, font figure de challengers.
En 2023, les "3 cousins anglo-saxons", que sont les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, demeurent les 3 premiers pays d'accueil des étudiants en mobilité internationale à travers le monde.
Voici les 10 premiers pays d'accueil des étudiants internationaux en mobilité en 2023 :
CONTINENT | PAYS | NOMBRE D'ÉTUDIANTS INTERNATIONAUX |
Amérique | États-Unis | 957 475 |
Europe | Royaume-Uni | 550 877 |
Océanie | Australie | 458 279 |
Europe | Allemagne | 368 717 |
Amérique | Canada | 323 157 |
Europe | France | 252 444 |
Asie | Chine | 233 127 |
Asie | Japon | 222 661 |
Asie | Émirats Arabes Unis | 215 975 |
Europe/Asie | Turquie | 185 047 |
En raison de la guerre en Ukraine, la Russie, qui occupait jusqu'en 2022 la 5ème place mondiale parmi les grands pays d'accueil, est actuellement en dehors du système international de collecte de données sur la mobilité étudiante internationale.
Fin 2023 : Intensification de la domination américaine
En novembre 2023, les données officielles du Gouvernement Américain confortent les États-Unis comme la 1ère destination mondiale des étudiants en mobilité académique hors de leur mobilité d''origine et de citoyenneté. En effet, selon le rapport Open Doors 2023 élaboré par l'Institute of International Education (IEE) avec le support du Bureau des Affaires Éducatives et Culturelles du Département d'État Américain, publié le 13 novembre 2023, le nombre d'étudiants internationaux aux États-Unis s'élève à 1 057 188, soit 6% de la population étudiante à l'échelle nationale. Concernant les pays d'origine des étudiants internationaux, 200 nationaux sont représentées sur les campus américains. Comme l'économie sert de ciment à l'attractivité universitaire et que les rivaux se reniflent toujours, il n'est point étonnant que les principaux pays d'origine des étudiants internationaux aux États-Unis soient la Chine et l'Inde.
Josemar St-Victor
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